Enseigne
18 mois sur le Papin Création novembre 2010

Introduction

Casimir a 25 ans, son séjour à terre terminé, il sera embarqué sur :

Puis comme Enseigne de vaisseau :

Toulon, le 2 mars 1838, à bord de La Gigogne

Mon cher père,

J’ai reçu votre lettre du 22 et le reçu de ce copain de Lartigue. Quant à ma malle c’est une autre affaire, rien n’a encore paru. Mon voyage a été fort leste. Je m’embarquai à Agde par un temps magnifique, je descendis à terre à Cette et le lendemain matin j’étais à Marseille d’où, je partis le 20 au soir. Je me présentais au Major Général qui me trouva fort en règle, mais comme le diable se mêle toujours de mes affaires, l’administration me chicane, je n’ai été payé que des 2/3 de ma solde pendant mon 1er congé, j’ai été obligé d’écrire à Limoux au médecin des bains pour avoir un certificat de présence, sur lequel je dois baser une réclamation au préfet pour mon complément de solde. En outre on ne voulait pas me payer 21 jours du mois de février, sous prétexte que mon congé expirait le 31 janvier. Le Major Général eut beau dire, l’administration ne voulut pas démordre. Fatigué de tout cela, je m’adressai au Préfet qui donna tort à l’administration et donna l’ordre de me solder. Je suis embarqué sur le Brig La Gigogne. Vous pouvez m’écrire là ou rue de l’Asperge n° 26.

Sète

Sète a changé de nom à plusieurs reprises. Au début du xviiie siècle, Cette devient l’écriture officielle, ce qui n’empêche pourtant pas les auteurs d’utiliser des orthographes différentes. Le 23 octobre 1793, le conseil municipal décide que Cette « équivoque le pronom » et que la ville s’appellera Sète. mais quelques années plus tard, Cette réapparaît, et ce jusqu’en 1927.
Sète sur Google maps

Brick et Brig

navire à deux mâts et un mât de beaupré. Les grands briks militaires sont nommés corvettes-bricks, ou corvettes (portant trois mâts). Les bricks goélettes sont des bâtiments dont le gréement participe de celui des bricks et des goélettes. Les petits bricks sont nommés brigantins : une des voiles du brick porte le nom de brigantine.
Dictionnaire du Diplomate et du Consul
Ferdinand de Cussy – Leipzig/Brockhaus – 1846
Brig sur Wikipedia

Je suis à l’hôpital depuis hier ; le chirurgien en chef m’a demandé, en secouant la tête, dans quel pays on m’avait traité. Il y avait dans ce signe un compliment peu flatteur pour Mahuziés, Monsieur Gramis aurait pu aussi en prendre sa part. Il parait que ce que j’ai est fort peu de chose, à cela près je me porte bien. Nous avons eu ici une fin de carnaval assez gaie. L’Amiral a donné un bal et différentes sociétés de souscripteurs en ont donné plusieurs.

On nous a chavirés de fond en comble notre uniforme. Il n’y a pas jusqu’aux boutons qui portent maintenant une couronne et une ancre. Je me suis donné un sabre 80 frs, c’est doré comme un calice, je ne veux pas acheter d’épée, beaucoup de monde s’en passe. Ce n’est guère que pour le bal ou la grandissime cérémonie.

On annonce la promotion comme devant paraître prochainement. La mort du directeur du personnel fera-t-elle qu’elle sera avancée ou retardée ?

J’ai trouvé à mon arrivée de nouvelles instructions, on s’était plaint depuis longtemps que beaucoup d’officiers négligeaient leur instruction, une fois les examens passée on convoque des commissions dans tous les ports pour aviser au moyen d’y remédier ; on n’en a pas trouvé de meilleur que de forcer tout le monde à suivre un cours. Cette idée est assez bouffonne, ce qui ne l’est pas autant c’est l’obligation journalière qu’on a imposé d’y assister.

François de Pardailhan ne m’a pas écrit quoiqu’il me l’ait formellement promis. Si Monsieur Azaïs est arrivé présentez lui mes hommages et demandez-lui s’il sait quelque chose.

Embrassez pour moi toute la famille et rappelez-moi au souvenir de Justine et de ma tante la religieuse.

Adieu, mon cher père, remettez-vous de votre surdité. Du reste nous approchons du printemps, ils vous font ordinairement du bien,

J’ai eu des nouvelles de Xavier Benoit par deux de ses camarades qu’il a chargé de me voir. Il se porte bien, a acheté un bien dans l’ile de Négrepont et s’est marié (néanmoins je ne crois pas cette dernière version, quoique ces Messieurs m’aient dit avoir diné avec Mme Benoit et lui, c’est sans doute quelque maîtresse).

J’ai fait partir la lettre de K. Benoit par la Surprise qui va à Athènes.

Je vous embrasse et suis pour la vie votre tendre fils.

5 avril 1837, recommandation

Monsieur le Ministre

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M. de Bonne de Lesdiguières est entré à l’école de la marine en 1829.

Il a navigué depuis comme élève de 2e classe d’abord puis comme élève de première classe. Il est apte à être nommé enseigne depuis un an. Il ose en appeler à ces chefs pour établir qu’il est digne de cet avancement. 75 de ces places vont être données ; 50 le seront à l’ancienneté 25 au choix, au titre de l’ancienneté, il ne serait que 92e. Ce serait donc au choix que sa famille et lui désireraient qu’il puisse être nommé ; et c’est pour l’obtenir qu’ils invoquent l’appui des chefs les plus illustres de la marine et les bontés comme la justice de son excellence de Ministre de ce département.

Indépendamment de son zèle pour ses devoirs et de son dévouement au Roi, ils espèrent que les services de ses ancêtres seront considérés comme pouvant être pris en considération.

En l’absence de M. de Bonne, dans la crainte que la demande de sa famille ne vous parvienne trop tard, et comme ami de cette famille, je me suis décidé à vous adresser et à vous en recommander l’objet aux bontés de votre excellence.

J’ai l’honneur d’être avec respect, Monsieur le Ministre, votre très humble et très obéissant serviteur.

G Thibault, général des armées.

8 avril 1838, réclamation solde

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J’ai l’honneur de vous soumettre la réclamation ci-jointe qui m’a été adressée par M. de Bonne, élève de première classe.

Elle a pour but d’obtenir que la totalité de sa solde lui soit allouée pour le congé à la faveur duquel il a pris les eaux de Rennes (département de l’Aude).

La dépêche du 19 mai 1837 accorde les 2/3 de solde à M. de Bonne pour la durée de son congé qui lorsqu’il fut demandé n’avait pas les eaux pour objet. Cette dépêche a été suivie d’une autre allouant la solde entière comme le croit M. de Bonne. La seule qui me soit ensuite parvenue est celle de 16 octobre 1837 qui lui a accordé une prolongation de deux mois à 2/3 et deux mois à ½ appointements. mais le fait d’avoir pris les eaux a été constaté par le certificat annexé à la réclamation dont il s’agit. Il vous appartient de juger si elle est maintenant fondée dans son motif et je vous prie de vouloir bien me faire connaître la décision que vous aurez prise à son égard.

Agréez, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma respectueuse considération.

Le Pair de France, Vice-amiral, Préfet Maritime.

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Cet élève n’a pas le temps






Paris, le 19 avril 1838

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Rapport

Où cet élève a-t-il contracté cette maladie ?

M. de Bonne, élève de 1re classe, a obtenu au mois de mai 1837 un congé de quatre mois pour cause de maladie ; mais comme on n’avait pas spécifié que l’officier devait aller aux eaux, le congé a été apprécié avec jouissance des deux tiers de solde. À sa rentrée au port, M. de bonne n’a donc reçu que cette portion de solde.

M. le Préfet maritime à Toulon transmet et appuie la réclamation que forme à cet égard l’élève de Bonne ; cette réclamation est accompagnée d’un certificat du médecin constatant que ce jeune homme a été aux eaux, et il a lieu de penser que si le certificat du conseil de santé eut été joint à la première demande, M. de Bonne eût obtenu la totalité de ses appointements comme c’est l’usage en pareil cas.

En conséquence, je propose au Ministre d’autoriser le rappel du tiers d’appointements qui a été retenu à l’élève de Bonne pendant les quatre premiers mois de congés qu’il a obtenu. C’est une affaire de 90 francs.

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28 avril, Enseigne de Vaisseau

Notes de Bernard

Le 28 avril il est nommé Enseigne de vaisseau, et embarqué sur le bateau à vapeur le Papin commandé par Monsieur Lugeol, Lieutenant de vaisseau. C’est la première fois qu’il embarque sur un bateau à vapeur.

J’ai du Papin, dont le nom est resté tristement célèbre dans la marine, un mauvais tableau à l’huile qui le reproduit avec son unique cheminée, haute comme celle d’une usine. De Toulon en doublant Gibraltar le Papin vint dans le Golfe de Gascogne où il fit le service de côtoyeur.

Au commencement de 1839 il était en réparation à Rochefort. Il en repartit fin mars pour transporter l’ambassadeur de France et sa suite à Lisbonne, de là il rentra au port de Toulon.

À propos de la propulsion à vapeur

La propulsion par roue à aubes fut la première installée, permettant de ne rien changer aux lignes d’eau des voiliers. Installées de part et d’autre du maître-couple des bateaux, les roues avaient un rendement médiocre, étaient bruyantes et faisaient une cible de choix pour les artilleurs des bateaux de guerre de l’époque.

L’un des navires de ce type les plus célèbres fut le Sphinx, un des premiers vapeurs français qui ramena d’Égypte en 1833 au bout de sa remorque le bateau le Louxor qui portait l’obélisque pour la place de la concorde.

Les hélices nettement plus performantes apparurent à partir de 1840, la vapeur fut le mode de propulsion essentiel de la période 1870-1950.

Du temps de la marine à voile, il existait déjà dans certains ports des flottilles de baleinières à rames capables de remorquer les navires pour les faire évoluer et accoster.

À la mer, en avril 1838, à bord de la Gigogne

Monsieur le Préfet,

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Au mois de mai de l’année dernière, le Ministre m’accorda un congé de 4 mois à 2/3 de solde. À la même époque, le conseil de santé demanda pour moi un congé de convalescence pour aller prendre les eaux (26 mai 1837). Je me trouvais avoir deux congés, dont l’un à 2/3 de solde et l’autre me donnant droit à ma solde entière.

Lors de mon départ, la réponse du ministre à la demande du conseil de santé n’étant pas arrivée, mon congé me fut expédié à 2/3 de solde. J’eus l’honneur de vous exposer ma position et vous me donnâtes l’assurance que j’avais droit à ma solde entière. Néanmoins, à mon retour au port, n’ayant aucun titre à produire, je n’ai été payé que d’après mon ordre de congé.

En conséquence, Monsieur le préfet, j’ai l’honneur de vous demander le complément de ma solde. C’est une faveur dont jouissent tous les officiers envoyés aux eaux de Rennes (Aude).

J’ai l’honneur d’être, Monsieur le préfet, votre très humble et très obéissant serviteur.

Casimir de Bonne, élève de première classe à bord de la Gigogne.

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Le 14 mai 1838, ce rappel de solde sera accordé par la ministre.

Rochefort, le 4 janvier 1839

Mon cher père,

Me voilà de retour à Rochefort depuis le 1er janvier. Je m’attendais à trouver ici une lettre de vous, c’est ce qui m’a engagé à retarder de vous écrire ; mes espérances ont été trompées. Je crains que vous ne m’ayez écrit à Toulon. Le Papin est ici pour faire ses réparations, cela peut nous mener à 6 semaines ou deux mois. On parle ensuite d’une mission lointaine que nous devrions accomplir conjointement avec Le Pylade (Brig de 20 canons) et le Tonnerre bateau à vapeur de notre force. Les gens bien informés prétendent que ce n’est ni pour le Mexique ni pour Buenos-Aires.

En attendant nous avons des émeutes dans nos environs. Les habitants de la Rochelle se sont insurgés pour empêcher l’embarquement du blé dans leur port ; ils ont pillé deux ou trois maisons appartenant à des négociants faisant le commerce d’exportation. Le 2 au soir on a fait partir en toute hâte dix compagnies de notre garnison ; les nouvelles qu’on a reçues hier soir annoncent que le transport est rétabli. Une pauvre dame a été victime de l’humanité du Général ou du Colonel, je ne sais pas trop, qui avait donné l’ordre de faire une décharge en l’air ; une balle est allée frapper cette malheureuse au 1er étage. Les Rochelais ont capitulé et ont obtenu que tout serait oublié de la part de l’autorité. On assure qu’une fois qu’ils ont eu déposé les armes on les a emprisonnés en très grand nombre.

Nous avons du très mauvais temps depuis le 22 du mois dernier. Nous avons profité d’une embellie pour venir de Santander ici. Je suis enchanté de ne pas naviguer cet hiver dans le Golfe de Gascogne, qui est vraiment très mauvais. Les ports même ne sont pas surs, le 24 dans l’après-midi nous étions à l’ancre à Santander, avec une très mauvaise mer, un Brig et un trois mats, qui n’ont pas eu assez de bon sens pour rester dehors, sont venus mouiller à une distance de nous comme de Lostange à Nauzel. Nous les avons vus faire naufrage dans la soirée sans qu’il nous fût possible de leur porter secours, néanmoins nous étions trois bateaux à vapeur sur rade – 6 hommes se sont noyés. L’incapacité et la peur sont quelques fois bien funestes dans notre métier. Si ces deux bâtiments étaient restés au large, comme ils le pouvaient, ils auraient pu rentrer avec la marée au bout de 4 ou 5 heures sans être en péril. Un Brig transport de garnison s’est perdu en venant de Brest, on accuse quelques forçats, qu’on envoyait à Rochefort, de s’être emparé du navire, d’avoir tué l’équipage et les argousins. Le mauvais temps les ayant surpris ils n’auront su comment se tirer d’affaire. Eux seuls se sont sauvés ; on n’a trouvé le corps d’aucun matelot. Voilà deux biens tristes événements pour clore l’année et pour en commencer une nouvelle.

Je vous charge de souhaiter une bonne année à maman et à mes frères et sœurs. J’espérais, d’après les instructions ministérielles qui nous concernaient, pouvoir venir à Saint-Pons, mais il faut y renoncer du moins pour le moment. Cela me contrarie, je suis consolé par l’idée que vous êtes tous en bonne santé. Je souhaite que vous vous mainteniez dans cet état et que vous n’ayez ni contrariétés ni chagrins pendant le cours de l’année déjà commencée. Si une chose peut contribuer à mon bonheur c’est de savoir que vous êtes contents et bien portants. Rappelez-moi au souvenir de mes cousins et de mes amis de Saint-Pons. Présentez mes souhaits et hommages respectueux à Mme et M. Figuères, et quand vous viendrez à Castres faites mes compliments à ma tante la religieuse, Léon, Justine, les père et mère et leurs enfants.

Adieu, mon cher père, je vous embrasse ainsi que maman, Louis, Elisa, Mathilde et le raisonnable Ferdinand.

Je suis avec respect votre tendre fils.

Donnez-moi des nouvelles d’Henri. J’espère que maintenant que je suis à poste fixe ici, j’aurai plus souvent des lettres. Dites-moi si quelqu’un de Gaïx par hasard ferait la route de Nantes. Je veillerais son passage.

Saint Jean de Luz, le 11 décembre 1838, à bord du Papin

Mon cher père,

Je viens de recevoir une lettre de Louis qui m’annonce votre retour à Saint-Pons et son séjour dans le Castrais. Quant à moi je puis vous annoncer mon prochain départ de Pasages pour Rochefort, d’où nous devons aller à Toulon. Je crains bien néanmoins que notre séjour dans ce premier port ne soit plus long qu’on ne nous l’annonce, car nous avons un grand nombre de réparations à faire et on sera enchanté de nous les faire faire à Rochefort où l’on se plaint que l’Arsenal manque d’ouvrage et que l’herbe y pousse de manière à nourrir l’équipage du préfet maritime. Néanmoins, je préférerais tout autre séjour et tout autre service à celui que nous faisons ici. Nous ne restons jamais 8 jours en place, toujours à courir d’un côté et d’autre. C’est un métier pénible et ennuyeux que celui qu’on nous fait faire – voici deux ou trois fois qu’on nous fait remorquer des bâtiments de Pasages à la barre de Bayonne. Je commence à croire que le commandant de l’Hermione veut se faire nommer député des Pyrénées Occidentales pour faire une cour aussi assidue au commerce Bayonnais et si bon marché du charbon du gouvernement que nous dépensons à pleines mains ; il faut que je m’informe s’il est éligible.

Nous revenons au Pasages et nous irons encore une fois à Santander, après quoi nous ferons route pour Rochefort.

Faites, je vous prie, mes compliments à Ferdinand sur la bonne résolution qu’il vient de prendre de coucher et vivre au Séminaire. Cela annonce qu’il n’est plus un enfant, mais un jeune homme plein de résolution et de fermeté. Louis m’annonce la perte douloureuse que Félix vient de faire dans son chien Mauricaut. Je vous prie de lui communiquer que mon jeune Tuck, chien d’arrêt de race et de la plus haute espérance, me donne des inquiétudes sérieuses depuis deux jours. Je le gorge de soufre et d’huile, sa jeunesse fera le reste. Je regrette bien dans cette matière les conseils éclairés de Félix qui pourraient m’éviter une perte aussi sensible.

Demandez, à maman ses commissions pour mon voyage à Toulon, Embrassez la de ma part ainsi que ces demoiselles et Ferdinand ; rappelez-moi au souvenir de ma tante et de Monsieur Figuères, faites mes compliments à Guiraud, Gustave, Justin, Charles et Félix ; quand vous irez à Castres présentez mes respects à la tante religieuse, à M. et Mme de Bonne et faites mes compliments à Léon, Justine et la famille.

Adieu, mon cher père, j’aurais désiré venir bientôt à Saint-Pons vous voir et vous embrasser tous, mais il faut remettre la partie à un temps plus éloigné.

Je suis avec respect votre tendre fils.

P.S.- J’attends avec impatience une lettre d’Henri que Louis m’annonce depuis longtemps. Je serais bien aise de connaître ses projets ultérieurs et de connaître les nouvelles occupations et les nouveaux travaux auxquels on le soumet dans la seconde année d’école.

Faites-moi savoir s’il se mitonne quelque concert comme l’année passée et quels genres de distractions offrira Saint-Pons cet hiver. Annoncez, je vous prie à Louis que je lui ai recueilli un air de fandango avec des airs andalous et aragonais qu’il pourra produire aux mélomanes du pays comme objet de curiosité musicale. Si je trouvais à augmenter ce mince recueil (de 4 au 8 – 9) je m’empresserais de le faire.

Victor Hugo – Récits et dessins de voyages – août 1843

Cet endroit magnifique et charmant comme tout ce qui a la double caractère de la joie et la grandeur, ce lieu inédit qui un des plus beau que j’aie vus et qu’aucun « tourist » ne visite, cet humble coin de terre et d’eau qui serait admiré s’il était en Suisse et célèbre s’il était en Italie, et qui est inconnu parce qu’il est en Guipuzcoa, ce petit éden rayonnant où j’arrivais par hasard, et sans savoir où j’allais, et sans savoir où j’étais, s’appelle en espagnol Pasages et en français le Passage.

Du reste les événements politiques ont été peu nombreux jusqu’à hier. Nous avons appris la défaite de Minenyorry par les carlistes et sa mort ; il a été blessé d’un coup de couleuvrine (je croyais que cet engin n’existait plus que dans les salles d’armes) ; cette nouvelle me parait authentique, elle vient du commandant de la station, grand diplomate s’il en fut. Il est bruit dans nos provinces d’organiser des représailles comme à l’armée d’Espartero et dans le royaume de Valence.

Nos relations avec les Carlistes sont sur un très bon pied nous venons d’en acquérir la certitude. Nous remorquons dernièrement une de nos trimardeuses que nous devions laisser à Bilbao de là poursuivre notre route jusqu’à Santander ; un violent mauvais temps la força de larguer la remorque et de fuir vent arrière. Elle arriva ainsi à Berméo, port occupé par les Carlistes. C’était pendant la nuit ; à peine mouillée, elle fut envahie de l’avant à l’arrière. Le patron protesta contre cet abordage et déclara appartenir à la Station française. De suite la trimardeuse fut évacuée et le lendemain les autorités demandèrent, un patron Daumet un certificat constatant qu’il avait été respecté et bien traité par les habitants de Berméo, et fut libre de rester ou de partir ; il appareilla au bout de quelques jours et fut porter ses dépêches à Bilbao où il est encore.